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Histopole

Aristophane et le théâtre comique

31 Janvier 2023 , Rédigé par Benoît Publié dans #Histoire antique

Aristophane et le théâtre comique

« Le rire est le propre de l'homme » disait François Rabelais. L'humaniste français du XVIème siècle voyait dans l'humour une manifestation de l'intelligence humaine ; mais aussi un moyen de critiquer les mœurs de son temps. Le rire, qu'il soit de bon goût ou pas, peut détenir une consonnance politique. Aristophane, poète comique du Vème siècle avant. J.-C. le démontra dans ses pièces de théâtre.

 

La vie d'Aristophane

 

A vrai dire, on ne sait que peu de choses de la vie d'Aristophane ; sinon ce qu'il est possible de tirer de son œuvre. L'aède comique est né vers 445 av. J.-C. dans le dème (circonscription administrative d'Athènes) de Cydathénéon. Son talent précoce l'amena, en 427, à présenter ses premières pièces : « Les Détaliens », puis l'année suivante, « Les Babyloniens ». Ce fut le début d'une carrière brillante émaillée de succès avec : Les Acharniens, Les Guêpes, Les Grenouilles, qui obtinrent le premier prix lors des Dionysies et des Lénéennes (des festivals de théâtre).

Comme c'est souvent le cas avec nombre de textes antiques, nous n'avons conservé de l’œuvre entière d'Aristophane que onze pièces : Les Acharniens, Les Guêpes, Les Grenouilles, Les Cavaliers, Les Nuées, La Paix, Les Oiseaux, Lysistrata, Les Thesmophories, L'Assemblée des femmes et Ploutos. Des comédies inscrites dans un contexte historique singulier pour Athènes. A la fois glorieux sous l'administration de Périclès et sombre du fait de la guerre du Péloponnèse (431- 404).

Aristophane s'éteignit en 385 en devenant – pour la postérité – le représentant de l'Ancienne Comédie.

 

La comédie politique d'Aristophane

 

Le poète et dramaturge écornait volontiers la politique Athénienne, le fonctionnement de la justice et les velléités guerrières. Il voyait la guerre contre Sparte comme fratricide et cruelle. A la fois pour sa cité et pour l'ensemble de la communauté hellénique.

Si Aristophane se moquait des démagogues et caricaturait le fonctionnement de la démocratie athénienne, il n'était pas un idéologue, ni un homme de parti. Il se plaçait du coté des paysans, appauvris du fait des ravages de la guerre. Critiquait les magistrats et les politiques qui s'enrichissaient en profitant du conflit, les militaires ambitieux, les fournisseurs de l'armée, les profiteurs de la pénurie agricole, et même les prêtres et devins exploitant la crédulité populaire. Cléon, le puissant successeur de Périclès fut ainsi la cible privilégiée d'Aristophane.

Dans Les Guêpes, il est question des tribunaux athéniens. Pour ce qui est du contexte historique de la pièce, Cléon avait augmenté les indemnités journalières visant à inciter les citoyens à participer aux tribunaux. De fait, cela provoqua une espèce de professionnalisation du domaine judiciaire, avec comme effet délétère, l'afflux d'une population plus pauvre passant dans le clientélisme. Revenons à l'histoire de la pièce. Le protagoniste des Guêpes ; Philocléon (celui qui aime Cléon) est frappé de « tribunalite aiguë », son fils Bdélycléon (celui qui vomit Cléon) se résout alors à l'enfermer dans sa maison. Phylocléon, pour être guéri de sa maladie se voit offrir de juger un chien pour vol. Un trait humoristique, de l'ordre de l'absurde, faisant écho aux défaillances du système judiciaire athéniens, avec la référence au procès intenté par Cléon envers le général Lachès, accusé de malversation. Aussi, les tribunaux sont assimilés à un guêpier, dont le dard fait allusion aux stylets des jurés écrivant leurs décisions sur des tablettes de cire. Aux vers 1102-1121, Aristophane fait dire au Coryphée (chef de chœur) :

 

« Regardez-nous bien, et vous trouverez que, pour le caractère et le comportement nous sommes à tous égards exactement comme les guêpes. D'abord il n'y a pas d'animal plus irascible que nous quand on l'agace, ni plus vindicatif. Et pour le reste, c'est pareil : toutes nos manigances sont celles des guêpes : nous nous agglomérons par essaims dans les espèces de guêpiers, les uns autour de l'Archonte, d'autres auprès des Onze, d'autres à l'Odéon, pour instrumenter : tassés, agglomérés contre les murailles, tête basse et dodelinante, sans presque pouvoir remuer, comme les larves dans leurs alvéoles. Au demeurant, très à notre affaire pour subvenir à nos besoins : piquer tout le monde, c'est notre moyen pour vivre à notre aise. Mais le fait est qu'il y a des frelons installés parmi nous ; ils n'ont par de dard, eux, et sans avoir à bouger, tout ce que nous avons butiné à grand peine, ils le happent allègrement. Mais ce qui nous est le plus amer, c'est quand un embusqué, vient se goberger de notre paie, sans avoir jamais pris dans les mains, au service de la patrie, ni rame, ni lance – ni ampoule ! Aussi pour l'avenir, voici mon avis sans phrases : tout citoyen qui ne porte pas le dard doit être exclu de la paie. »

 

 

Un système dépeint comme corrompu, souvent expéditif, sans véritablement de débats contradictoires. Un système animé par la perspective d'argent facile, et l'assouvissement des rancœurs individuelles. Un nid de guêpes donc, infiltré par les frelons, soit les magistrats en quête de clientèle et par les « embusqués », les sycophantes, c'est à dire les délateurs professionnels.

 

La satyre de son temps

 

Aristophane s'attaqua à la politique, à la justice et la société athénienne. Antimilitariste et nostalgique d'une Athènes révolue. Les artistes et philosophes de son temps n'échappaient pas non plus à ses satyres. Socrate fut notamment moqué et assimilé à un sophiste qui privilégiait la forme du discours au raisonnement de fond. Il s'en prit aussi à son « collègue » dramaturge Euripide, dans Les Thesmophories et Les Grenouilles. Cette satire littéraire tournant en dérision la misogynie de l'auteur tragique. Aristophane se plut aussi à l'utopie politique et à rêver d'une Athènes idéale dans Les Oiseaux.

Aristophane octroya le premier rôle aux femmes. Cela d'une manière absurde dans Lysistrata. Les femmes lassées par la guerre contre Sparte décident de faire la « grève du sexe ». Lysistrata dit : «  Pour arrêter la guerre, refusez-vous à vos maris. » Il est proposé un renversement des rôles dans un conflit entre les hommes et les femmes inspiré de celui – mythologique – que les Amazones livrèrent contre Athènes. C'est une pièce qui mêle habilement les thèmes chers à Aristophane : antimilitarisme, utopie, comédie absurde et moquerie du théâtre aux accents misogynes d'Euripide.

 

Aristophane poète comique et dramaturge représente bien le pilier de l'Ancienne Comédie. C'est une source pertinente et riche pour l'historien et une inspiration certaine pour tous les dramaturges et auteurs. Il livre une vision de la société de son temps sans se faire idéologue. C'est plutôt la nostalgie d'une Athènes aux mœurs simples et exempte de corruption qu'il souhaite raviver. Aristophane montre que l'humour amène une perspective critique et ludique sur les travers de la politique et de la société. Ce qui est une excellente chose.

 

 

sources :

 

Aristophane, Théâtre complet I, Edition de Victor-Henry Debidour, coll. folio classique, Gallimard, 1965.

 

 

 

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